Numéro #415 (29 août 2022)

Après l’annonce du plan de partition des Nations Unies en novembre 1947, Ben Gourion, alors président de l’Agence juive, l’organe exécutif des Juifs de Palestine, déclarait devant les membres de son parti, Mapaï : « Il manque à l’État une chose fondamentale : il lui manque des Juifs… Pour assurer non seulement le succès de la naissance de l’État juif, mais aussi sa viabilité et la réussite de sa mission nationale, nous devons absolument faire venir un million et demi de Juifs en Eretz Israël et les installer ici.

Ce ne sera que lorsque deux millions de Juifs vivront ici que nous pourrons parler d’un véritable État ». C’est que, le dirigeant sioniste voyait dans l’immigration de masse la clé du succès pour le futur État israélien, un pilier plus important encore que la sécurité de la nation et la force militaire comme le montre de manière convaincante Tom Segev. Hayti depuis un certain temps semble faire face à une crise sans issue. Sa situation à bien des égards nous rappelle celle de l’Etat hébreux.

Les Haytiens d’outre-mer, majoritairement des intellectuels et des politiciens, ont fait maintes tentatives, malheureusement vaines et infructueuses de retourner au bercail en vue d’apporter leur contribution dans la reconstruction de la mère-patrie. Brusquement, après le départ des Duvalier et leurs tonton-macoutes, des concitoyens haineux et revanchards caressaient l’idée de les remplacer. Ils ont été évincés par les militaires qui accaparaient le pouvoir et apparemment contrôlaient le territoire national.

Deux ans plus tard, ils confiaient le pouvoir à Lesly Manigat qu’ils ne tardaient pas de renverser à cause de ses approches socialistes et de son refus d’extrader vers les États-Unis le colonel Jean Claude Paul impliqué dans le trafic illicite de stupéfiants. Une opportunité ratée qui fera à nouveau basculer le contrôle du pays aux mains de nos pires ennemis internes et externes. La seconde tentative a lieu avec l’arrivée du vicaire de Saint Jean Bosco, le Père Jean Bertrand Aristide au timon des affaires en 1991, après environ trente années de macoutisme et 95 années de contrôle total du pays par Washington via les FADH. Aristide, ouvertement hostile à ces deux cancers qui rongent Hayti et menacent son existence, malheureusement n’a pas fait long feu.

Il a été militairement renversé du pouvoir par un sanglant coup de force pour n’y revenir qu’à la fin de 1994 dans les fourgons d’une expédition militaire américaine après avoir validé les conditions dictées et imposées par l’Amérique de Bill Clinton jusqu’ici ignorées par la population.

Nous sommes, de nos jours, à l’aube de trente années de tracasseries, de turpitudes politiques et surtout d’une crise économie aigue conduisant à une crise alimentaire dévastatrice et mortifère laquelle indubitablement écourtera la vie de plusieurs milliers de nos compatriotes. La Charte fondamentale de l’O.N.U. et la Constitution Haytienne pourtant prônent le droit à la vie, à la santé. Alors, quel doit être l’attitude à adopter face à un gouvernement s’il n’offre pas son assistance à une population en danger ?

Ne devrait-on pas violemment le déchouquer « par tous les moyens possibles » comme nous le rappelle l’activiste noir américain Malcom X qui disait aussi que « la guerre n’est jamais pacifiste ». « Oui les miséreux, les déshérités, les marginalisés, les oubliés, les pa moun, les santifò, les bouda chire commencent à se réveiller, à sortir de leur passivité et Port-au-Prince tremble, Pétion-Ville vacille, la République est ébranlée » (Pierre Jean-Miguel Auguste, 2018).

Qu’on se réveille, non seulement, une nouvelle fois et réalise pour de bon l’aboutissement de la révolution de 1803, mais aussi avec l’accompagnement de la diaspora possédant avoir et savoir nécessaires, qu’on concrétise dans la glaise du réel le projet de modernisation et du développement endogène et durable de notre terroir, « Hayti, haut-lieu sacré » Dr Daniel Mathurin (2004) ! Bref, il nous faut une « révolution de la conscience collective » avec les patriotes du dedans et du dehors pour finalement « réaliser le bonheur des masses qui constituent la grande entité basique de toute société. »

La mère-patrie, d’une part, Hayti, aura besoin tout comme le peuple juif de 2 millions de ses enfants de la diaspora avec leurs avoirs pour qu’ils investissent dans la culture, l’agriculture, le tourisme, la pêche en haute mer, l’élevage, l’agro-industrie, le commerce, etc., les piliers du développement endogène. Et d’autre part, avec une coopération internationale pluri-polaire, les Haytiens d’outre-mer pourront aussi construire les infrastructures routières, énergétiques, scolaires, universitaires et sanitaires exploitant nos ressources naturelles ! In fine, cette création de richesses et d’emplois à haute intensité de main d’œuvre mettront le peuple au travail et le sortir de cette culture de misère ! La diaspora, c’est bien un fauteuil en or ou un océan de richesses en attente d’être exploité.

Editorial#415, 19 août 2021

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